PARU SUR MONEY VOX: Immobilier locatif : attention aux promesses de gain trop alléchantes avec le Pinel

Vous avez un peu d’argent de côté que vous souhaitez investir en Pinel. Méfiez-vous du rendement que l’on vous annonce… Celui-ci dépend de la méthode de calcul employée.

Chaque année, la moitié des biens neufs sont achetés par des investisseurs. Objectif : les louer pour en tirer des revenus locatifs mais aussi, pour les contribuables imposés, réduire leur fiscalité en profitant notamment du dispositif Pinel. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt indexée sur la valeur du bien et sur sa durée de mise en location. Pour être éligible, l’investisseur doit acquérir un bien dans une ville où l’offre de logements est insuffisante (zone A bis, zone A et zone B1) et le mettre à disposition d’un locataire aux revenus modérés à un loyer encadré.
Sur internet, lorsque vous entrez « gain dispositif Pinel », vous tombez sur un chiffre : 63 000 euros. Il s’agit du plafond de la réduction d’impôt Pinel. Mais ce maximum n’est pas facile à obtenir. Il nécessite d’acheter un bien dont le prix de revient (prix d’achat et frais annexes comme les frais de notaire) atteint 300 000 euros et de le mettre en location pendant 12 ans. Si vous vous engagez à louer 9 ans ce logement, la réduction atteint alors 18% du prix de revient (dans la limite de 54 000 euros) et 12% pour un engagement sur 6 ans (plafonnée à 36 000 euros). Mais l’intérêt financier du Pinel ne se résume pas à la seule carotte fiscale : les loyers perçus entrent évidemment dans le calcul. Pas facile donc d’évaluer, seul, la rentabilité d’un investissement locatif !

La rentabilité calculée par cashflow, à prendre avec des pincettes

Pour évaluer la pertinence de ce type d’investissement, vous avez peut-être utilisé l’un des nombreux simulateurs accessibles en ligne. Jackpot ! Ils vous indiquent un rendement de 15%, 18% voire de 20%. Un rendement qui, dans un contexte de taux bas, peut difficilement laisser indifférent. Premier point d’attention : il s’agit d’un rendement total, au titre de l’opération immobilière dans sa globalité, et qui tient compte donc de l’ensemble des gains potentiels, à savoir des loyers perçus, de la réduction d’impôt voire de la plus-value à la revente du logement.
« Ces simulateurs utilisent une méthode d’évaluation empruntée aux anglo-saxons, par cashflow [flux de trésorerie, NDLR]. En fonction de l’évolution anticipée du prix des loyers et de l’immobilier, compte tenu de votre capacité d’épargne et de vos revenus, ils déduisent le prix du bien que vous pouvez aujourd’hui acquérir ainsi que le bénéfice de l’opération immobilière », nous détaille Jean-Michel Ciuch, gérant du cabinet ImmoGConsulting. Ces outils sont théoriques. Ils ne permettent pas de comparer le rendement de biens immobiliers différents. Et ils reposent sur des hypothèses parfois très optimistes au regard du contexte actuel et sans accident économique (pas de vacance locative, pas d’impayé de loyer).
Effectivement, si certaines calculatrices tablent sur des perspectives immobilières plutôt acceptables avec une progression des loyers et des prix immobiliers de 0,5% par an, d’autres postulent des revalorisations annuelles de 1%, 1,5% voire de 2%. « Même sans Pinel et ses loyers encadrés, les prix des locations ne suivent pas cette tendance. Une hypothèse de revalorisation acceptable tablerait plutôt sur du +0,5%, sachant que sur 10 ans, l’investisseur n’est pas sûr d’y parvenir », prévient Lucien Rafalimanana, directeur général du cabinet de conseil en gestion de patrimoine Efficience Groupe. « On sait que les cycles immobiliers sont de plus en plus courts, avec des pics mais aussi des retournements très rapprochés. Donc c’est dangereux, il ne faut pas se référer à cette seule méthode », ajoute Jean-Michel Ciuch.
Concernant plus précisément la plus-value à la revente des biens Pinel, les investisseurs ne doivent pas trop compter dessus. D’après un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), ces logements neufs sont vendus en moyenne 30% plus cher qu’un bien déjà construit. Par contre, au moment de la revente, cette surcote s’efface. Et le bien neuf au moment de son achat est cédé au prix de l’ancien, souligne également ce rapport.

Un rendement locatif cible autour de 3,5% bruts

C’est pourquoi, plutôt que cette méthodologie globale, les professionnels immobiliers interrogés recommandent de distinguer le rendement locatif du gain fiscal. Le rendement locatif correspond aux loyers annuels perçus par l’investisseur divisés par le coût d’acquisition du bien. Ce dernier intègre le prix d’achat, les frais d’acte notarié, les éventuels frais d’agence voire une quote-part pour les travaux à venir. « Quand vous achetez un appartement neuf, vous bénéficiez d’une meilleure visibilité financière. Vous n’avez a priori pas de travaux immédiats à prévoir sur le logement ou sur la copropriété. De quoi offrir à l’investisseur un rendement plutôt linéaire avec des charges immobilières maîtrisées », précise Renaud Capelle, directeur immobilier adjoint au sein de l’Union financière de France (UFF).
Concernant ce rendement locatif, le conseil est de viser un taux autour de 3% bruts d’impôt et de prélèvement sociaux. « Je considère qu’il y a un taux normal vers lequel l’investissement locatif doit tendre, à savoir 3,5%. Il s’agit du rendement généré par l’immobilier d’entreprise sur les Champs-Élysées à Paris, des actifs immobiliers peu risqués plébiscités par les investisseurs institutionnels », nous explique Jean-Michel Ciuch d’ImmoGConsulting. Même ordre de grandeur du côté de l’UFF : « Selon les zones géographiques et l’emplacement, vous pouvez être sur des rendements immobiliers qui oscillent entre 2,5 et 3,5% bruts en moyenne », souligne Renaud Capelle. « L’intérêt du Pinel n’est pas d’aller chercher une grosse rentabilité locative, ajoute quant à lui Lucien Rafalimanana. Il faut tabler sur du 3,2% à 3,5% bruts ».
D’après nos calculs, basés sur le prix d’un 40m2 neuf fourni pas SeLoger, cette rentabilité locative brute est a priori atteignable, essentiellement dans des villes classées B1 (Grenoble, Strasbourg, Dijon et Toulouse) et A (Saint-Denis, Marseille, Montpellier et Lille), en appliquant un loyer au plafond Pinel (voir tableau ci-après). En revanche, ce taux de rentabilité avant impôt s’avère plus difficile à obtenir dans les agglomérations en zone A bis, comme Paris, Boulogne-Billancourt et Courbevoie. Des villes où les prix de l’immobilier, très élevés, pèsent sur la rentabilité locative. Une rentabilité, qui plus est, freinée par l’encadrement des loyers en Pinel.

Les dangers d’un loyer au plafond

Attention à la tentation de vouloir appliquer le loyer le plus élevé possible ! Vous risquez de rogner sur l’autre objectif de l’opération immobilière, à savoir réduire votre fiscalité. « Pour les investisseurs fortement imposés, si le conseiller fait bien son travail, c’est-à-dire s’il réintègre la fiscalité des loyers dans le calcul du rendement global de l’investissement, il peut même recommander de baisser les loyers en-deçà du plafond Pinel pour accroître la rentabilité de l’opération via la baisse d’impôt générée », note Lucien Rafalimanana, le patron d’Efficience Groupe.

Un rendement locatif net autour de 2,5%, avant réduction d’impôt

D’après nos calculs, en vous orientant vers un rendement locatif brut autour de 3,5%, votre taux de rendement net de fiscalité et de cotisations sociales devrait tomber à quelque 2,5% avec un régime micro-foncier, permettant un abattement de 30% sur les loyers perçus dans la limite de 15 000 euros par an, et un taux d’imposition à 30% du barème de l’impôt sur le revenu. Ainsi, à Toulouse où le rendement d’un 40m2 loué au plafond est évalué à 3,6% bruts, le rendement net passe à 2,4%.

A Grenoble et à Saint-Denis, villes les plus rentables d’après nos estimations, le rendement net de fiscalité et de cotisations atteint alors à 3,1%. Il passe à quelque 2,8% à Marseille, Montpellier et Montreuil, mais à moins de 2% à Courbevoie, Bordeaux et Boulogne-Billancourt. A Paris, la rentabilité locative tombe à 1,4%.

Une rentabilité immobilière logiquement rehaussée après prise en compte de la réduction d’impôt Pinel. Illustration. A condition d’aller au bout d’un engagement de location de 9 ans, la carotte fiscale atteint par exemple 4 000 euros par année à Bordeaux, faisant grimper le rendement théorique de l’opération à 3,9% nets par an. A Marseille, la ristourne de 3 400 euros, permet de faire progresser ce gain à 4,9% nets par an, ou encore à 5,1% nets à Grenoble avec une baisse d’impôt sur le revenu de 2 500 euros chaque année pendant 9 ans.

Evidemment, ce taux de rendement est calculé à un instant T, avec des logements loués au prix maximal. Pour aller plus loin, il nécessiterait d’être affiné avec l’intégration des charges locatives et de copropriété, des impôts locaux, des travaux éventuels ou encore, a posteriori, actualisé avec l’évolution du marché immobilier. Parce que cette dernière est difficile à prévoir, cette estimation par ville du taux de rendement ne tient pas non plus compte de la revente du bien une fois la durée d’engagement de location atteinte.

Au regard de tous ces paramètres, méfiez-vous des promesses de gain trop alléchantes. Car si sur le papier, le montage semble particulièrement attrayant, à la fin, la rentabilité réelle et globale peut être bien plus basse… voire négative. En effet, d’après le rapport de l’IGF, précédemment cité, le Pinel présente dans la moitié des cas « un rendement net global négatif au bout de 9 ans hors effet de la hausse du prix de l’immobilier ». En cause : le surcoût à l’achat de ces biens neufs.

ARTICLE REDIGE ET PUBLIE PAR Marie-Eve FRENAY

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